Nous sommes à Kuujjuaq, bien loin du village, que je ne verrais d'ailleurs pas, du moins pour cette fois-ci. Le rythme de travail est moins pénible pour ce déchargement. Nous travaillons toujours avec les marées, mais à cause de notre position, nous ne chargeons qu'une seule barge par 12 heures au lieu de deux.
Kuujjuaq, je connais déjà. L'année précédente, sur le même navire, j'avais fait du temps de mer en tant que cadette. Moi et une douzaine d'autres cadets, à la fin du mois d'août, avions remplacé ceux qui à bord devaient retourner à l'institut maritime pour la session d'automne. Le transfert s'était fait ici, car Kuujjuaq à un bon aéroport. Nous sommes donc arrivés par une après-midi venteuse, avec 3 ou 4 cents livres de provision pour le navires. Un transport avait été organisé entre l'aéroport et la plage par la compagnie, mais une fois là, personne... Il vente trop pour qu'un barge ou même un remorqueur vienne nous chercher! Nous organisons donc avec la sécurité qu'ils nous transfèrent, nous, nos bagages et les provisions à l'école du village. Nous y dormons dans des lits de camps et des couvertes de la sécurité. Deux jours à attendre que le vent se calme! Deux jours à parcourir le village et la plage, le magasin général et la cantine commune. Deux jours d'ennuis et deux jours pas de douche. Wachhhhhhh... Du dortoir émanait alors des odeurs plus que suspectes!!! Alors, visiter Kuujjuaq, très peu pour moi.
De temps à autre, la routine est brisée par l'arrivée d'un canot d'inuit. Ils viennent nous vendre des ombres de l'arctique, poisson à la chair délicieuse, ressemblant à du saumon, du caribou ou encore des sculptures en pierre de savon. Toute cette activité est complètement illégale, nous n'avons pas le droit d'acheter ces poissons et ces viandes, qui sont seulement pour l'usage personnel des inuits. Mais qui le saura puisque nous mangeons tout au fur et à mesure?
L'arrivé d'un autre navire, un petit pétrolier, un navire de la Shell brise aussi la routine. Il se rends à l'autre ancrage, beaucoup plus près du village, nous n'en avons qu'un rapide coup d'oeil, mais une communication radio s'établira et nous passons par la suite beaucoup de temps en mémérage avec les officiers à leur bord. Car, c'est ce que nous faisons de mieux, nous de la marine, le mémérage sur tout un et chacun. La marine marchande est un petit monde où tous se connaissent et où tout le monde à toujours son mot à dire. Moi, comme les autres!